LA MÉDITATION

« Dans nos ateliers d’introduction au Zen, il nous arrive très fréquemment [au Centre zen de Montréal] d’insister sur l’emploi du mot ‘’ zazen ‘’ plutôt que sur celui de ‘’ méditation ‘’ (…) car la méditation n’est qu’une des dimensions de la pratique du Zen. Les deux autres dimensions sont la concentration et la contemplation. Le mot ‘’ méditer ‘’ vient du latin ‘’ meditare ‘’ qui signifie penser à, considérer, réfléchir. » * Une bonne façon de le faire consiste à « (…) prendre une idée présente dans un texte écrit par une personne éveillée et d’y revenir sans cesse, permettant à la compréhension de venir d’elle-même.  **

Albert Low précise cette façon de méditer en disant: « Après avoir lu seulement quelques phrases, on laisse le contenu pénétrer profondément l’esprit, sans faire l’effort de comprendre : il s’agit de laisser l’esprit en arriver à sa propre compréhension (…) . Inutile de le faire jusqu’à satiété ; autrement dit, il est préférable de s’arrêter avant que le mental ne commence à vouloir saisir ce qui a été lu. » ***

* Albert Low, Se connaître c’est s’oublier

** Albert Low, Que suis-je?

*** Albert Low, Aux sources du Zen

 

LA CONCENTRATION

« Concentrer signifie ‘’ diriger ou réunir en un point ; faire converger ‘’ (…) ; ‘’ Se concentrer ‘’ veut dire mettre tout le contenu de l’expérience consciente en harmonie avec un centre commun (…). La concentration est précieuse parce qu’elle fait appel à une énergie naturelle, que l’on pourrait appeler l’énergie de l’unité (…). Avec une bonne posture et une respiration dégagée, on peut [en zazen] développer le hara (…). Le mot ‘’ hara’’ est un mot japonais qui signifie ‘’ ventre ‘’(…) . [Il est important] De noter que cette région du bassin est appelée sacrée, à cause du sacrum, qui est la partie de la colonne vertébrale attenante au bassin (…). Le hara constitue toute la région pelvienne et comprend un point particulier (…); qui est situé à environ cinq centimètres sous le nombril (…).

C’est le point vers lequel converge naturellement toute l’énergie du corps (…). Ce fonctionnement naturel n’est pas seulement physique mais aussi psychologique, et il a lieu en fait que lorsqu’on renonce à considérer l’esprit et le corps comme deux réalités distinctes et séparées (…). Cela produit en retour une concentration qui ne requiert pas d’effort et qui a lieu parce que tous les conflits et tensions locaux sont libérés au profit de la vitalité et du pouvoir (…) de l’énergie psychophysique. » *

* Albert Low, Invitation à la pratique du Zen

LA CONTEMPLATION

« La contemplation requiert toute la liberté qui accompagne la méditation et toute la tension et la fermeté associées à la concentration. La contemplation est le cœur de la pratique [méditative]. » *

« La contemplation signifie faire un avec tout ce qui surgit. » **

« Un maître a dit : ‘’ Les collines, les arbres, les champs sont mon visage. ‘’ Tout est ‘’ je suis ’’. » ***

« Notre vraie nature est de connaître – connaître c’est être. » ****

« La contemplation possède la stabilité de la concentration et la flexibilité de la méditation. C’est un art qui, pour être perfectionné, exige une pratique très assidue (…). L’aspect méditatif de la contemplation assure que le centre ne se fixe pas et que l’esprit demeure ouvert ; la concentration assure que l’esprit est ferme et orientée (…). La méditation est comme une pluie bienfaisante sur une terre brûlée. Mais la contemplation est pure concordance sans but, sans effort, sans peur quelle qu’elle soit [pure présence]. Lorsque nous traversons la nuit obscure, nous devons employer tout ce qui est à notre disposition, mais surtout, demeurer dans la sécheresse, s’unir à elle, en dépit de toute brûlure. Là est le véritable chemin. » *

* Albert Low, Se connaître c’est s’oublier

**Albert Low, Dans la forge du maître Hakuin

*** Albert Low, Demeurer dans « je suis »

**** Albert Low, Le rêve du papillon

LA CONSCIENCE

L'esprit fonctionne selon deux modes : celui du participant et celui de l'observateur. Quand « je » parle à une personne, je suis le participant et l’autre est l’observateur (écouteur). Dans une conversation, il y a donc une alternance avec ces deux modes, ou ces deux points de vue. Avec les sens, nous passons constamment d’un point de vue à un autre. Par exemple, avec le sens de l’ouï (entendre) on écoute le son d’une cloche et son intensité qui varie; avec le sens du touché, on sent la texture et la chaleur de la peau. Il a en va de même pour regarder et voir, goûter et sentir, etc.

Quand la cloche cesse de sonner est-ce que je cesse d’entendre ? Entendre est présence, écouter la cloche est conscience. Avec la conscience j’identifie, je nomme, j’évalue le degré, l’intensité. Il s’agit d’un aller-retour qui se fait constamment sans que nous nous en rendions compte. Avec le temps, la conscience a pris beaucoup de place et a permis de faire croître la connaissance, les sciences et la technologie. Cela a favorisé surtout la personnalisation de la conscience en chaque individu, avec ses caractéristiques propres, faisant de lui un être à part entière. Depuis des siècles, le « je » accompagne tout ce qu’il réalise, d’une façon plus ou moins consciente.

Aujourd’hui, tout est devenu un « objet » dans la conscience, y compris les personnes ainsi que les sensations et les sentiments. L’interrelation spontanée entre la présence et la conscience, le participant et l’observateur est devenue très difficile. La conscience avec ce « je », fige le mouvement et le changement constant qui sont devenus de vagues souvenirs. Pour un temps, nous en trouvons désormais un reflet en tant qu’artiste, randonneur ou lecteur d’un roman que nous lisons, moments où nous faisons qu’un avec le monde. Nous sommes séparés du monde avec ce développement de la conscience qui nomme, juge, évalue, aime ou n’aime pas, etc. C’est avec une certaine nostalgie ( sentiment de séparation ), une espèce de souffrance plus ou moins consciente que nous tentons de retrouver cet état d’unité spontané.

LA PURE PRÉSENCE

Avec l’attention, la vigilance, la pure présence, le changement constant de point de vue s’effectue en tant que présence participante et présence observante. Il n’est pas nécessaire d’être quelqu’un pour être. Être c’est connaître, naître avec ce qui est dans l’instant présent. Notre vraie nature est pure présence. Entendre c’est présence en action. Il en va de même pour voir, goûter, sentir et toucher. Connaître quelque chose, penser, avoir des idées, imaginer, tout ça est présence en action. La présence et l’audition sont un ; la présence et ce qui est entendu aussi sont un. (Albert Low, Je ne suis pas un être humain)

 « L'esprit fonctionne selon deux modes : celui du participant et celui de l'observateur. Ce sont deux points de vue contradictoires (…) Ils sont mutuellement dépendants mais, en même temps, mutuellement antagonistes et par conséquent potentiellement en guerre l'un contre l'autre. Une des façons de résoudre le conflit est de devenir simplement un pur observateur. Une personne qui suit cette voie affiche une attitude légèrement cynique (…) a tendance à trop analyser les situations, les critique et se critique très sévèrement de façon à garder les choses à distance (…) L'autre attitude est celle du participant. Cette personne se jette la tête la première, sans retenue, dans les situations. Elle est toujours terriblement enthousiaste ou terriblement déprimée. Sa vie est une série de drames. Elle finit par se sentir vidée, sa vie manque d'harmonie, et elle a tendance à devenir très irritable envers les autres (…) Ces deux modes sont présents à des degrés différents en chacun de nous. » * « La conscience réconcilie le participant et l’observateur dans l’expérience que nous appelons réalité. » ** [en identifiant les objets de la perception et en les nommant et les classifiant] « Mais au-delà de ces deux modes, il y a le témoin, la pure présence [sans contenu]. Le témoin est une quiétude vibrante, un silence vivant d'où tout émerge, non seulement le son mais la couleur, la forme, les odeurs, les sensations, l'activité et l'inactivité, le mouvement et l'immobilité ». *


*Albert Low, Pourquoi pratique-t-on le zen ?

** Albert Low, Le rêve du papillon

 

LA QUIÉTUDE

« Quand l'esprit est calme, alors on peut entendre la quiétude. Même en plein milieu d'une catastrophe ou d'une bataille, la quiétude est présente. Le témoin, la pure et limpide présence, n'est jamais absent. Nisargadatta dit : ‘’Lorsque l'esprit est tranquille, on se retire de l'expérience et de l'expérimentateur et on se tient dans la pure présence.’’ L'expression l'expérience et l'expérimentateur est une autre façon de parler du participant et de l'observateur. Ce retrait est déjà un grand pas en avant dans la pratique. Mais il faut être prudent toutefois car le fait de voir dans la quiétude n'est en aucune façon la fin de la pratique. Bassui, cité dans Les trois piliers du Zen, nous avertit de ne pas nous arrêter quand on entrevoit ce silence et cette tranquillité. Il dit : ‘’Avec le temps, nos pensées se tranquillisent et nous faisons l'expérience de la vacuité comme celle d'un ciel sans nuages. Il ne faut surtout pas confondre cela avec l'éveil. ‘’ Il dit que nous devons poursuivre, aller plus en profondeur : ‘’ Ce n'est que lorsque votre quête aura pénétré chaque pore, chaque fibre de votre être que l'espace vide éclatera soudainement et que votre visage apparaîtra, celui que vous aviez avant la naissance de vos parents ‘’ ». *

*Albert Low, Pourquoi pratique-t-on le zen ?